Elle

Elle était prisonnière de sa solitude. Elle avait beau essayer d’aller plus vite pour lui échapper, elle lui collait à la peau. Comme une gaine minceur dont on a tant de peine à s’extraire. Le filtre bleu des réseaux sociaux lui donnait une fausse valeur, une maigre attention. Un échange sans saveur qui bombe l’égo mais vide le coeur. Elle se montrait déterminée et indépendante, libre et fière.

Lorsque je le voyais marcher sur la plage, de retour dans sa réalité morose, chaque trace de pas dans le sable laissait l’empreinte de sa tristesse et de ses manques.

Les grains fins s’agglomérant sous son poids comme pour lui hurler, ralentis ! Regarde en face. Assume. Tu n’en es pas là par hasard. Mais elle continuait, plus vite, plus fort, à bout de souffle, haletante. Avancer, avancer sans s’arrêter. Quand l’avenir devient une fuite et les projets, même les plus nobles, un pansement mal collé sur une blessure qui pique.

Pour se prouver qu’on existe, à défaut de savoir le ressentir.

Je la vois de dos, sur cette plage, presque tous les jours. Un pied après l’autre, la tête pas bien haute, ses échecs et ses regrets sous les talons. La réalité qui saute aux yeux et qu’on repousse derrière des écrans blafards.

Nous nous croisons lorsqu’elle rebrousse chemin. Elle est belle sans ses larmes. Un bonjour échangé par habitude derrière un masque d’apparence. Mais au fond de ses yeux, lorsque le vent emporte son camouflage vers l’horizon et que son regard devient authentique, je lis ses peurs. Laisse tomber tes armes, perds la bataille, elle n’a ni sens ni victoire. L’énergie te guidera si tu la laisses te prendre la main. Glisse ton âme engourdie dans le flot, laisse la marée suivre ses cycles et effacer tes empreintes éphémères.

Je voudrais lui partager les pulsations de la vie. Lui faire ressentir ces battements subtils, discrets et délicats. Leurs vibrations puissantes la pousseraient petit à petit pour la remettre dans l’axe.

Je voudrais l’aborder et lui dire que je suis là. Que la solitude n’est qu’une perversion de l’égo pour nous rendre dépendant. Nous sommes tous là. Je ne serai pas son ami, ce n’est pas nécessaire mais je lui accorderai un instant sincère, je partagerai mon énergie. Une pierre sur son chemin, une petite lumière qui éclairerait sa nuit.

Si je l’approche, elle va poursuivre sa fuite, me prendre pour un homme de plus qui vient l’aborder sans délicatesse. La solitude qu’elle fuit l’enferme. Elle ne sait plus communiquer sans attentes, elle n’arrive plus à recevoir une émotion sainement.

Arrête toi un instant. Stoppe ta course folle pour fuir le vide. Reste dans ce vide, sois ce vide et lâche prise pleinement. Respire. Pleure. Parle. Ce vide est amour.

La confiance n’a de sens que si elle vient du coeur. Écoute ton âme, elle te murmure les secrets de la véritable liberté.